DUTREIL ET LOCATION MEUBLEE :

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Du remue-ménage au remue-méninge

Le régime dit « Dutreil », prévoit une exonération de droits de mutations à hauteur de 75% de la valeur des titres d’une société (art. 787 B du CGI) ou des actifs d’une entreprise individuelle (art. 787 C du CGI) qui sont transmis à titre gratuit.

L’exonération s’applique, sous réserve notamment, que cette société ou cette entreprise exerce « une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale » (art. 787 C al. 1er, 787 B al. 1er du CGI).

La catégorisation de la location meublée pour l’application du Dutreil, que l’on pensait réglée par la doctrine, au détriment de nombreux ménages, n’a pas fini de susciter des remous.  

La position de l’administration dans sa doctrine

Depuis sa mise à jour du 21 décembre 2021 (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 §15, 21 déc. 2021), la doctrine administrative considère que les activités commerciales mentionnées à l’article 34 du CGI et à l’article 35 du CGI sont éligibles au Dutreil, « à l’exclusion des activités de gestion par une société de son propre patrimoine immobilier ». Cette exclusion vise notamment :

– les activités de location de locaux nus, quelle que soit l’affectation des locaux ;

– les activités de location de locaux meublés à usage d’habitation ;

– les activités de loueurs d’établissements commerciaux ou industriels munis du mobilier ou du matériel nécessaire à leur exploitation ;

L’on peut s’étonner d’une telle rédaction en contradiction avec l’article 35 du CGI, lequel vise expressément les activités de location meublés (art. 35, I, 5° bis du CGI). Un recours pour excès de pouvoir a d’ailleurs été formé contre cette doctrine (voir plus bas, CE 29 juin 2023 n° 473972).

Par ailleurs, cette exclusion crée une incertitude sur l’éligibilité des activités de location meublée assorties de prestations parahotelière. Le risque existe que l’activité locative « contamine » l’activité de parahôtellerie alors qu’elle est une activité commerciale par nature (CE, 9e et 10e ch., 20 novembre 2017, n° 392740).

Les récentes positions de la Cour de cassation

Par une décision du 1er juin 2023, la Cour de cassation a admis l’éligibilité au Dutreil des activités de loueurs d’établissements commerciaux ou industriels munis du mobilier ou du matériel nécessaire à leur exploitation. Dans cette affaire, les époux X ont donné en 2008 à leurs quatre enfants les parts de trois sociétés en faisant application de l’exonération partielle Dutreil. L’administration a toutefois remis en cause l’activité commerciale des sociétés.

S’appuyant sur les articles 787 B et 35, I, 5° du CGI, la Haute juridiction rappelle que « constitue une activité commerciale l’activité de loueur d’établissement commerciaux ou industriels munis d’équipements nécessaires à leur exploitation que la location comprenne, ou non, tout ou partie des éléments incorporels du fonds de commerce ou d’industrie. » Elle casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel qui avait donné raison à l’administration. Elle énonce « sans rechercher, comme elle y était invitée, si, à la date des donations-partage, la société CFI n’exerçait pas l’activité commerciale de loueur d’établissement commerciaux ou industriels munis d’équipements nécessaires à leur exploitation, susceptible de rendre la transmission des parts de cette société éligible au régime de faveur de l’article 787 B du même code » (Cass. com, 1 juin 2023, 22-15.152).

Par une autre décision du 21 juin 2023, la Cour de cassation s’est prononcée, cette fois, sur l’éligibilité de la location meublée au Dutreil. Dans cette affaire, les filles de M. Z ont recueilli par voie de succession trois biens immobiliers en 2012. Elles ont bénéficié de l’exonération partielle, invoquant que ces biens étaient loués meublés dans le cadre l’entreprise individuelle de leur père (Cass. com., 21 juin 2023, n° 21-18226).

S’appuyant sur l’article 787 C du CGI, la Cour casse et annule l’arrêt de la Cour de d’appel qui avait retenu le moyen de l’administration selon lequel l’activité locative avait été confiée à une société de sorte qu’à son décès, M. Z n’exerçait pas cette activité. Or, en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si M.X n’avait pas, à compter de l’année 2011, poursuivi son activité individuelle de loueur en meublé en louant ses biens à une société, la Cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.

Notons que cette seconde décision n’a pas été rendue sur le visa du 35, I 5°bis du CGI car la location meublée n’a été intégrée à cet article qu’à partir du 1er janvier 2017.

La très récente décision du Conseil d’Etat

Par une décision du 29 septembre 2023, le Conseil d’Etat, saisi d’un recours pour excès de pouvoir contre la doctrine, a précisé que « le fait de donner habituellement en location des locaux d’habitation garnis de meubles ne saurait être systématiquement regardé, pour l’application de la loi fiscale, comme une activité civile dépourvue de caractère commercial ». Il ajoute qu’aucune disposition (autres qu’en matière d’IFI) ne permet de dénier de manière générale à la location de locaux meublés à usage d’habitation le caractère d’activité commerciale au sens des articles 787 B et 787 C du code général des impôts.

On relèvera que le Conseil d’Etat n’a toutefois pas annulé la doctrine car le recours sur ce point était tardif.

Au final, on peut voir dans ces trois décisions un affaiblissement certain de l’exclusion prévue par la doctrine. 

L’administration fiscale pourrait être contrainte de revoir sa doctrine à moins qu’elle intègre le sujet « du Dutreil » dans la réflexion actuelle, et plus globale, sur la fiscalité des locations meublées.

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